« Ndokalé Gorée »

Publié le par Gordiop

« NDOKALE GOREE » A LA GALERIE NATIONALE D’ART : L’hommage pathétique du peintre Souleymane Keïta à l’île mémoire

Le peintre Souleymane Keïta commence l’année 2008 avec son exposition « Ndokalé Gorée » (hommage à Gorée) ouverte depuis le 4 janvier à la Galerie nationale d’art (avenue Hassan II, ex-Sarraut). C’est un retour sur le passé et l’évocation d’une grande affection vouée à un lieu chargé d’une histoire poignante et dramatique, qui a bouleversé la marche de l’humanité.

18 grandes toiles de peinture (135/150 X 110/126) et une vingtaine d’encres, c’est le lot d’œuvres présentées par le peintre Souleymane Keïta, l’un des grands peintres contemporains sénégalais issus de la première génération de plasticiens formé de 1960 à 1964 à l’Ecole nationale des Arts de Dakar.

« Ndokalé Gorée » (Hommage à Gorée, en langue ouolof), c’est le titre de cette exposition qui est un retour aux sources pour Soulèye Keïta, ancien résident de l’île de Gorée. C’est un retour à la fois affectif pour cet artiste qui a vécu et vibré pendant de longues années à l’écoute des alizés marins balayant l’île mémoire. Il y a vécu écoutant et ressassant l’histoire dramatique du commerce des hommes de race noire dont Gorée a été, bien malgré elle, le théâtre.

« Ndokalé Gorée » est ainsi un titre générique à travers lequel on regarde cette présente production du grand peintre sénégalais. Du thème des signes et symboles, puis les fonds marins, suivis plus tard par les « scarifications » et les « chemises du chasseur », Soulèye Keïta a mûri ses idées et son expérience à travers ses expositions à travers le monde : les grandes rencontres comme le 2e Festival des arts nègres de Lagos 1977, l’expos de l’Art contemporain sénégalais à Paris en 1990 ou encore son séjour américain (1980-1985). L’exposition qu’il présente est ainsi une sorte de « synthèse » de ce cheminement entre la peinture et la pratique du graphisme des signes et des symboles, développée dans les scarifications.

Celles-ci sont autant d’audacieuses « agressions » de la toile qui accueille des lignes de cordelettes tendues, déployées en cercle ou alignées pour dire un nouveau langage sur la toile. Celle-ci n’est plus la classique surface plane du peintre, elle est devenue un support qui prend du relief et de la hauteur.

Le jeu subtil des couleurs fortes ou évanescentes

Le jeu subtil des couleurs tantôt fortes et insistantes, tantôt évanescentes et transparentes vient parachever cet art consommé de l’écriture picturale et de l’esthétique que déploie Soulèye Keïta dans « Ndokalé Gorée ».

Noir et blanc, brun, lumières jaune ou blanches, dégradés et transparences, les couleurs parlent. Les ombres de la nuit et les affres de l’esclavage apparaissent dans les tableaux, navires négriers, navires fantômes dans la nuit noire, tortures et échos lugubres des cris de détresse et du sang versé, ce sont autant d’émotions fortes qui ressurgissent de ces tableaux. Ils réussissent le tour de force de rappeler ces drames humains de l’histoire de Gorée à travers une esthétique si prenante.

A l’occasion de cette rencontre avec le grand public, Soulèye Keïta apporte une innovation dans son exposition avec les impressions sur papier et en tirages limités de ses œuvres exposées.

Cette opportunité offerte aux collectionneurs et amateurs d’art, leur permet de choisir et d’acquérir une œuvre imprimée et signée par l’artiste .

Souleymane Keïta consacre ainsi ses retrouvailles avec le grand public, par une nouvelle série, résultat d’un long et patient cheminement pictural. Ce peintre est aujourd’hui l’un des derniers artistes ayant bénéficié, il y a quarante ans de cela, d’une initiation privilégiée dans l’atelier du grand peintre sénégalais Iba Ndiaye, considéré avec l’autre maître Papa Ibra Tall, comme les précurseurs de la peinture sénégalaise contemporaine.

Une bonne référence est en effet au fondement du travail de Souleymane Keïta, qui a séduit plus d’un puriste, il y a une vingtaine d’année par ses « marines », thème de la mer autour de Gorée, l’île où il a vécu des années avant de venir s’établir sur le continent à Dakar.

Sa présente exposition est placée sous le patronage de Mame Birame Diouf, ministre de la Culture, du Patrimoine historique classé, des Langues nationale et de la Francophonie et de Me Augustin Senghor, maire de Gorée. Elle se poursuit jusqu’au 18 janvier prochain à la Galerie nationale d’art.

Jean PIRES

Publié dans Art

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